S’assurer que son argent caritatif soit rentable, le plus rentable possible : ainsi pourrait se résumer le propos du philosophe Peter Singer, même si cette formulation a des allures de provocation. Comme s’il y avait une contradiction entre la générosité d’un don et l’intérêt porté aux effets de son utilisation. Pourtant, on suit volontiers Peter Singer dans sa réflexion sur « L’altruisme efficace », titre de son ouvrage publié aux éditions Les Arènes (2018, 268 pages, 19,90 €). D’autant que – mariage de la carpe et du lapin ? –, le texte du penseur australien est introduit par le moine bouddhiste Matthieu Ricard, image même de la bienveillance désintéressée…
L’altruisme efficace repose sur un principe très simple, explique Peter Singer : « faire le maximum de bien possible». Il s’agit, pour cela, de ne pas donner à l’aveugle, mais en choisissant les organisations qui offrent le meilleur rapport si ce n’est qualité/prix, du moins coût/résultats. Des résultats, qui peuvent être évalués à l’aune du nombre de personnes aidées, voire de vies sauvées. Ainsi, parmi la multitude d’exemples dont fourmille son livre, Peter Singer cite celui d’un petit Américain atteint de leucémie, dont le vœu le plus cher était d’être « Batkid », un acolyte du super héros Batman. Grâce à la fondation Make-A-Wish, le jeune Miles a pu réaliser son rêve et parader quelques heures en Batmobile dans les rues de San Francisco. Coût de l’opération : 7500 dollars. Le jeu en valait-il la chandelle ? « Comme tout le monde, l’altruiste efficace serait ravi d’exaucer le souhait d’un enfant malade, mais il sait aussi que ces 7500 dollars sauveraient la vie d’au moins trois enfants, voire davantage, s’ils étaient consacrés à protéger les familles du paludisme », souligne Peter Singer. L’altruiste efficace sait aussi que « sauver une vie vaut mieux que réaliser un rêve, et que sauver trois vies vaut mieux que n’en sauver qu’une seule ».
En privilégiant ainsi la raison sur l’émotion, la rigueur de l’arithmétique sur les élans du cœur, on optimise ses dons, argumente le professeur de bioéthique de Melbourne. Un point de vue que s’emploie à propager l’association Altruisme Efficace France (https://altruismeefficacefrance.org), née en 2016 pour aider les philanthropes à « identifier des causes, des types d'intervention et des organisations efficaces ».
Caroline Helfter
Caroline Helfter
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