Tourisme humanitaire, le bon choix ?
A l'approche des vacances, vous n'avez peut-être encore aucun projet, aucune destination en vue....Vous souhaitez du soleil ? du dépaysement ? un contact avec des populations ? le souhait de joindre l'utile à l'agréable et la volonté d' accomplir votre devoir de citoyen ? de quoi alimenter vos diners entre amis au retour ?
Alors, des agences vous proposent des voyages touristiques humanitaires ou, selon l'expression anglaise, du "volontourisme". N'y a t-il d'ailleurs pas une contradiction un peu indécente dans la formulation "tourisme humanitaire" ?
La formule rencontre de plus en plus de succès et s'adresse à une population relativement jeune, pleine de bonne volonté et d'altruisme, mais aussi friande d'aventures, de sensations fortes, de contacts humains...mais tout ceci dans un cadre sécurisant grâce aux organisateurs de voyages qui ont compris l'aubaine commerciale que pouvait constituer la rencontre entre la misère du sud et le regard apitoyé du nord.
L'organisation de visites guidées dans les favelas de Rio, il y a une vingtaine d'années, avait suscité de vives réactions. On est bien loin aujourd'hui de cet émoi.
Le tourisme humanitaire (qu'il faut distinguer du tourisme responsable, solidaire ou équitable (https://fr.wikipedia.org/wiki/Tourisme_solidaire ) est entré dans la panoplie des tour operators ...on peut même partir en famille, nous dit l'agence Projects-abroad, une occasion pour renforcer les liens familiaux (sic) !! On peut aussi partir en couple....à quand les forfaits "lune de miel" ?
Outre des missions de quelques semaines, les programmes prévoient aussi des activités annexes allant de randonnées à la découvertes du pays à l' apprentissage de la langue locale (peul, quechua...) afin de mieux communiquer... !
Participant il y a quelques mois à un forum de discussion sur le site d'une grande ONG de secours médical, un internaute s'est présenté :"je suis étudiant en deuxième année de médecine et je souhaiterais faire une mission humanitaire d'un mois au Brésil, pouvez-vous m'aider ?" Je me suis autorisée à lui faire une réponse "adaptée", lui expliquant que le Brésil avait de très bons médecins, des facultés de médecine à la hauteur des facultés européennes, mais que, s'il voulait, après avoir acquis davantage de compétences, il pouvait se porter volontaire pendant un an en tant que médecin dans les zones reculées d'Amazonie, le ministère de la santé brésilien ayant dû faire face à la pénurie de médecins dans cette région en envoyant de jeunes médecins y faire leur service militaire en compagnie des moustiques, fourmis géantes, serpents et autres agréments...
C'est une anecdote, mais elle est révélatrice d'un état d'esprit et d'une naïveté souvent pleine de bonne volonté, que certaines agences spécialisées exploitent aujourd'hui. Cette activité est même bien représentée dans les différents salons du tourisme !
Pourquoi des réticences ?
- parce qu'une mission humanitaire n'est pas destinée à "voir du pays"
- parce que, sauf exception, des touristes ne sont pas formés pour dispenser pendant quelques jours des cours d'alphabétisation, enseigner l'hygiène, la nutrition, la contraception, les soins aux enfants ou autres "savoirs" occidentaux
- parce que le regard porté par des touristes de passage insuffisamment préparés, est souvent teinté de commisération et de sentiment de supériorité
- parce qu'il est illusoire de croire que des missions de quelques jours aient un effet palpable et durable sur l'amélioration des conditions de vie d'une population
- parce qu'il y a quelque chose de choquant à vendre une activité de loisirs (tourisme) au moyen une accroche "humanitaire".
- parce qu'il y a quelque chose de choquant à vendre une activité de loisirs (tourisme) au moyen une accroche "humanitaire".
- parce que, surtout, il s'agit d'une activité purement commerciale qui rapporte beaucoup d'argent à ses organisateurs. En effet, le prix payé par les touristes dépasse toujours la somme de 2000 euros pour deux semaines, étant précisé que ce prix ne comprend ni le voyage en avion ni le visa ...et sur ces sommes, quelle est la part reversée localement ? les dépliants touristiques ne le disent pas ! un don d'argent à une ONG n'est-il pas plus efficace et utile ?
- parce que, finalement, ne s'agit-il pas d'une sorte de néo-colonialisme auquel participent les touristes sans en avoir conscience ?
Il existe d'autres solutions
Vous voulez partir "faire de l'humanitaire"? adressez vous alors à des ONG compétentes et spécialisées, installées sur place depuis longtemps et dont l'activité est assurée par des professionnels formés, engagés, qui connaissent parfaitement le pays en question. Elles recrutent des bénévoles disponibles et capables de s'engager autrement qu'à l'occasion d'un voyage touristique.
Ou alors, tournez-vous vers le tourisme solidaire et équitable, l'éco-tourisme, différents aspects d'un tourisme destiné à faire connaître et à promouvoir des productions locales, à sensibiliser à l'environnement écologique d'une région du monde et sa sauvegarde, ou encore à partager des savoir faire, des expériences et des compétences reproductibles, à connaître d'autres peuples, leur culture et leur vie quotidienne. Il s'agit là d'un tourisme tourné vers le partage, dont une bonne partie du prix payé par les participants est reversée aux acteurs locaux, et non d'un "tourisme d'assistanat". Mais là aussi, la vigilance s'impose absolument !(voir à ce sujet l'article de Youphil cité ci-après)
Egalement un article du journal suisse "Le Temps" (Genève) du 16 mai 2015, repris par le Courrier International dans son édition du 6 juin 2015
http://www.courrierinternational.com/article/volontariat-le-bon-filon-du-tourisme-humanitaire
Sur le tourisme solidaire, des mises en garde :
http://www.youphil.com/fr/article/07413-tourisme-solidaire-gare-aux-arnaques?ypcli=ano