27 février 2019

L’intégration est un sport collectif



   Langage universel, le sport peut constituer un formidable outil d’intégration. Forte de cette conviction, l'ONG française Play International développe différents programmes en direction des enfants et adolescents dans l'Hexagone et à l’étranger. Elle soutient aussi des initiatives qui utilisent l’activité physique et sportive pour favoriser l’inclusion sociale des populations réfugiées de tous âges dans l’Union européenne (*).
   Plusieurs de ces projets européens misent sur le foot pour aider les migrants à sortir de leur isolement. C’est ce que fait par exemple le mouvement Aniko à Lesbos (Grèce). Aniko propose des matchs mixant demandeurs d’asile, réfugiés et population locale, et organise chaque mois un tournoi entre les personnes déplacées et les fournisseurs de services juridiques et médicaux, qui leur offrent un soutien avant et après les matchs. À Vienne (Autriche), l’association Kicken ohne Grenzen axe aussi son action sur le foot. Mais, soucieuse de ne pas laisser les jeunes femmes sur la touche, elle a notamment constitué une équipe exclusivement féminine, qui collabore avec des entraîneurs afin de promouvoir, chez les participantes, le développement de leur confiance en elles.  
  Quand on parie sur le sport, « la participation des filles est toujours un challenge », souligne Mariona Miret, responsable des programmes INSERsport de Barcelone (Espagne). Au-delà du seul football, INSERsport forme des adolescentes et des adolescents à devenir arbitre ou entraîneur dans 15 autres disciplines sportives. À Edimbourg (Ecosse), The Welcoming développe aussi des propositions diversifiées (cyclisme, jogging, gymnastique, natation, …) pour soutenir les migrants des deux sexes dans la construction de leur nouvelle vie et leur donner des opportunités de rencontre avec la population locale. 

Bike Bridge : atelier de réparation de vélo


   À Fribourg (Allemagne), le projet Bike Bridge, qui tend également à favoriser les échanges interculturels, est centré sur les réfugiées. « J’avais constaté qu’il n’y avait rien pour les femmes et qu’elles n’avaient pas de rapports avec les Allemands », commente Sharzad Mohammadi, créatrice de Bike Bridge, qui vit en Allemagne depuis 8 ans. D’où l’idée de permettre aux réfugiées d’apprendre l’allemand, d’avoir des contacts avec les Fribourgeois, et les mettre sur la voie de l’autonomisation en leur apprenant à faire du vélo et à entretenir leurs bicyclettes. 

Caroline Helfter

(*) Un rapport rend compte de ces initiatives : http://pl4y.international/content/bdd/PL4Y%20Lab/Incubateur/rapport%20capitalisation.%20sport%20et%20refugies.pdf

01 février 2019

Philanthropie bien ordonnée

  
  S’assurer que son argent caritatif soit rentable, le plus rentable possible : ainsi pourrait se résumer le propos du philosophe Peter Singer, même si cette formulation a des allures de provocation. Comme s’il y avait une contradiction entre la générosité d’un don et l’intérêt porté aux effets de son utilisation. Pourtant, on suit volontiers Peter Singer dans sa réflexion sur « L’altruisme efficace », titre de son ouvrage publié aux éditions Les Arènes (2018, 268 pages, 19,90 €). D’autant que – mariage de la carpe et du lapin ? –, le texte du penseur australien est introduit par le moine bouddhiste Matthieu Ricard, image même de la bienveillance désintéressée…
   L’altruisme efficace repose sur un principe très simple, explique Peter Singer : « faire le maximum de bien possible». Il s’agit, pour cela, de ne pas donner à l’aveugle, mais en choisissant les organisations qui offrent le meilleur rapport si ce n’est qualité/prix, du moins coût/résultats. Des résultats, qui peuvent être évalués à l’aune du nombre de personnes aidées, voire de vies sauvées. Ainsi, parmi la multitude d’exemples dont fourmille son livre, Peter Singer cite celui d’un petit Américain atteint de leucémie, dont le vœu le plus cher était d’être « Batkid », un acolyte du super héros Batman. Grâce à la fondation Make-A-Wish, le jeune Miles a pu réaliser son rêve et parader quelques heures en Batmobile dans les rues de San Francisco. Coût de l’opération : 7500 dollars. Le jeu en valait-il la chandelle ? « Comme tout le monde, l’altruiste efficace serait ravi d’exaucer le souhait d’un enfant malade, mais il sait aussi que ces 7500 dollars sauveraient la vie d’au moins trois enfants, voire davantage, s’ils étaient consacrés à protéger les familles du paludisme », souligne Peter Singer. L’altruiste efficace sait aussi que « sauver une vie vaut mieux que réaliser un rêve, et que sauver trois vies vaut mieux que n’en sauver qu’une seule ». 
   En privilégiant ainsi la raison sur l’émotion, la rigueur de l’arithmétique sur les élans du cœur, on optimise ses dons, argumente le professeur de bioéthique de Melbourne. Un point de vue que s’emploie à propager l’association Altruisme Efficace France (https://altruismeefficacefrance.org), née en 2016 pour aider les philanthropes à « identifier des causes, des types d'intervention et des organisations efficaces ». 

Caroline Helfter