Alors que l'Agence du service civique s'attelle à promouvoir
"Le Pouvoir d'être utile" –
thème de sa campagne de communication de rentrée –, Julien Brygo et Olivier
Cyran, journalistes indépendants, rompent l'unanimisme ambiant en faveur de ce
type d'engagement. Dans le chapitre de leur livre Boulots de merde ! (La
Découverte Poche, septembre 2018, 10,50 €) qu'ils consacrent au service
civique, les auteurs dénoncent d'un même mouvement le contenu dénué de sens de
certaines activités confiées aux volontaires et l'utilisation abusive de main
d'œuvre au rabais en lieu et place de "vrais" salariés.
Certes, la mise en cause de l'intérêt des tâches remplies par
les volontaires est certainement très minoritaire. Ainsi, selon l'étude post mission 2017 réalisée
par l’Agence du service Civique, 9 jeunes sur 10 se déclarent satisfaits ou
très satisfaits de la fonction qu'ils ont occupée. Ce n'est pas le cas des
deux Dunkerquois, dont Brygo et Cyran rapportent les propos dans leur enquête à
charge. Eux ont eu la nette impression que leur rôle ne rimait à rien. Stéphanie,
22 ans, et Mike, 19 ans, étaient chargés de faire du porte-à-porte dans des
quartiers très pauvres de Dunkerque pour prêcher le développement durable. L'idée
était de proposer des éco-gestes aux habitants pour faire baisser leurs
factures d'eau et d'électricité (fermer le robinet quand ils se brossent les
dents, dégivrer leur frigo de temps en temps, ne pas oublier d'éteindre la
lumière,....). Mais, a-t-on besoin de volontaires pour faire passer ces
messages ? "Les gens, ils savent ça
!", répond Mike, dégoûté. A force de portes qui lui ont été claquées
au nez, Mike a nourri une répugnance souveraine pour cette mission. "Ils nous ont vendu du rêve, en nous disant
qu'on allait vivre une expérience inoubliable. (...) L'image du service civique
est belle, mais le contenu est faux", estime le jeune homme.
Toutefois, il reconnaît avoir complétement révisé son jugement quand, par la
suite, il a changé de mission. Mike ne cache pas le plaisir alors pris à
rencontrer des personnes âgées dans une maison de retraite. Leur parler,
entendre leur histoire, les voir aller mieux parce qu'on est là, "là, je me sentais utile",
témoigne-t-il.
En matière de service civique, cependant, tout n'est pas
qu'une question d'utilité – ou de ressenti tel. Fins connaisseurs de la
précarité qui est aussi la caractéristique de leur condition de pigistes, les
auteurs ouvrent plus largement le débat sur ce volontariat comme "gisement bien commode pour combler les
manques et les trous dans les institutions publiques ou sociales". Les
sages de la Cour des comptes partagent cette inquiétude. Dans leur rapport 2018,
ils mettent en cause "des situations contestables", telles celles de "volontaires placés au contact du public
dans les services des préfectures et recevant des étrangers", ou de "volontaires à Pôle emploi chargés de
tâches normalement réservées aux agents". Dans le secteur
associatif, ajoutent-ils, "la
tentation est grande pour une structure de recourir à ces jeunes dont le coût
est faible, voire nul, en lieu et place d’un salarié ou d’un bénévole".
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