29 septembre 2018

Polémiques sur le Service Civique

Alors que l'Agence du service civique s'attelle à promouvoir "Le Pouvoir d'être utile" – thème de sa campagne de communication de rentrée –, Julien Brygo et Olivier Cyran, journalistes indépendants, rompent l'unanimisme ambiant en faveur de ce type d'engagement. Dans le chapitre de leur livre Boulots de merde ! (La Découverte Poche, septembre 2018, 10,50 €) qu'ils consacrent au service civique, les auteurs dénoncent d'un même mouvement le contenu dénué de sens de certaines activités confiées aux volontaires et l'utilisation abusive de main d'œuvre au rabais en lieu et place de "vrais" salariés.
Certes, la mise en cause de l'intérêt des tâches remplies par les volontaires est certainement très minoritaire. Ainsi, selon l'étude post mission 2017 réalisée par l’Agence du service Civique, 9 jeunes sur 10 se déclarent satisfaits ou très satisfaits de la fonction qu'ils ont occupée. Ce n'est pas le cas des deux Dunkerquois, dont Brygo et Cyran rapportent les propos dans leur enquête à charge. Eux ont eu la nette impression que leur rôle ne rimait à rien. Stéphanie, 22 ans, et Mike, 19 ans, étaient chargés de faire du porte-à-porte dans des quartiers très pauvres de Dunkerque pour prêcher le développement durable. L'idée était de proposer des éco-gestes aux habitants pour faire baisser leurs factures d'eau et d'électricité (fermer le robinet quand ils se brossent les dents, dégivrer leur frigo de temps en temps, ne pas oublier d'éteindre la lumière,....). Mais, a-t-on besoin de volontaires pour faire passer ces messages ? "Les gens, ils savent ça !", répond Mike, dégoûté. A force de portes qui lui ont été claquées au nez, Mike a nourri une répugnance souveraine pour cette mission. "Ils nous ont vendu du rêve, en nous disant qu'on allait vivre une expérience inoubliable. (...) L'image du service civique est belle, mais le contenu est faux", estime le jeune homme. Toutefois, il reconnaît avoir complétement révisé son jugement quand, par la suite, il a changé de mission. Mike ne cache pas le plaisir alors pris à rencontrer des personnes âgées dans une maison de retraite. Leur parler, entendre leur histoire, les voir aller mieux parce qu'on est là, "là, je me sentais utile", témoigne-t-il.

En matière de service civique, cependant, tout n'est pas qu'une question d'utilité – ou de ressenti tel. Fins connaisseurs de la précarité qui est aussi la caractéristique de leur condition de pigistes, les auteurs ouvrent plus largement le débat sur ce volontariat comme "gisement bien commode pour combler les manques et les trous dans les institutions publiques ou sociales". Les sages de la Cour des comptes partagent cette inquiétude. Dans leur rapport 2018, ils mettent en cause "des situations contestables", telles celles de "volontaires placés au contact du public dans les services des préfectures et recevant des étrangers", ou de "volontaires à Pôle emploi chargés de tâches normalement réservées aux agents". Dans le secteur associatif, ajoutent-ils, "la tentation est grande pour une structure de recourir à ces jeunes dont le coût est faible, voire nul, en lieu et place d’un salarié ou d’un bénévole".

 
Caroline Helfter 

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire