C'est en 2010, avec l'instauration du service civique, que
la réciprocité des engagements volontaires à l'international se voit
juridiquement et financièrement encouragée. La loi du 10 mars 2010, qui crée ce
dispositif de volontariat pour les 16-25 ans (30 ans si les jeunes sont en
situation de handicap), permet en effet à tous les pays accueillant des
volontaires français d'envoyer eux aussi leurs ressortissants effectuer une
mission d'intérêt général en France, pour une durée de 6 à 12 mois. Pendant
leur séjour, les intéressés bénéficient de la sécurité sociale et d'une indemnité
mensuelle de 477 euros que leur alloue l'Agence de service civique – de la même
manière qu'elle le fait pour les volontaires français qui partent à l'étranger.
La structure française d'accueil (association, fondation, collectivité territoriale,
établissement public) se voit, quant à elle, défrayée de 100 euros par mois pour
le tutorat du volontaire, mais elle a à sa charge le logement et la souscription
d'une complémentaire santé et d'une assurance rapatriement pour ce dernier,
ainsi que, très généralement, ses frais de voyage.
Des rencontres improbables
Rencontre entre le projet porté par un organisme non
lucratif dans les domaines de l'éducation, du développement, de la santé, de
l'action humanitaire, de l'environnement, de la culture, du sport, ..., et le projet
personnel d'engagement d'un jeune, le volontariat international de réciprocité
est souvent l'occasion de rencontres assez improbables. Par exemple, celle de
Ramasta et de Claudia, venues du Burkina-Faso l'an dernier, avec les jeunes
Normands qui fréquentent la mission locale de L'Aigle/Mortagne-au-Perche (Orne)
où elles ont été chargées d'un rôle d'accueil et de médiation, celle de Jarbas,
Brésilien de 22 ans, avec les élèves du lycée agricole de Radinghem
(Pas-de-Calais), où il a réalisé en 2016 une mission d'agrotourisme, ou encore
celle de Pranjal, 24 ans, originaire de Pondichéry (Inde), avec des collégiens de
Mayenne, en Pays de Loire, à qui il a fait partager, d'un même mouvement, sa
connaissance de l'anglais et son amour des
danses de " Bollywood".
A l'association
Cool'eurs du Monde de Bassens (Gironde), qui coordonne depuis 4 ans des programmes
de volontariat international de réciprocité, on insiste beaucoup sur la simultanéité
des échanges et le caractère à la fois collectif et individuel de la démarche.
Ainsi en 2014-2015, dans le cadre du premier projet de ce type monté par
l'association, 10 volontaires Aquitains ont rejoint le Sénégal cependant que 9
jeunes Sénégalais ralliaient la France. Deux temps collectifs avaient été
organisés pour les intéressés – appariés en binômes en fonction de leurs
centres d'intérêt (rugby, hip-hop, développement local, ...) et censés rester
en lien durant leurs missions respectives. "Avant le départ des Français, les Sénégalais ont passé 10 jours avec
eux en Gironde", précise Jean-Marc Dutreteau, directeur de
l'association. Au terme de leur engagement, tous les volontaires se sont à
nouveau retrouvés pour relire collectivement leur expérience. En procédant sur
ce modèle, Cool'eurs du Monde a orchestré, depuis 2014, une soixantaine
d'échanges mutuels entre volontaires, avec des jeunes venus d'une quinzaine de
pays – principalement le Sénégal, le Maroc et le Burkina-Faso. "L'idée est aujourd'hui de nous diversifier
au niveau des continents et des Etats", souligne Jean-Marc Dutreteau, qui
lorgne du côté du Pérou, de l'Equateur, du Cambodge et du Vietnam.
C'est avec le même souci de variété des
partenariats et d'équilibre de la réciprocité que les Cemea Bourgogne (Centres
d'entraînement aux méthodes d'éducation active) ont piloté, entre 2012 et 2017,
plusieurs échanges tri-latéraux entre Bourguignons, Chiliens de la région du
Maule et Sud-Africains de la province Cap occidental : 6 volontaires français partaient
pour 6 mois en Afrique du Sud et 4 au Chili ; parallèlement, 6 Sud-Africains et
4 Chiliens venaient en Bourgogne. L'éducation au développement et l'ouverture sur
le monde étaient au cœur de ces mobilités croisées, au terme desquelles les volontaires
voyaient leur expérience valorisée dans leur projet personnel et professionnel.
De fait, il y un vrai besoin de reconnaissance de ce qu'apporte aux jeunes – et
aux pays – cet engagement à l'international, souligne Pierre Soëtard, directeur
de pôle à France Volontaires. Cet apport s'évalue à la fois en termes d'enrichissement
interculturel et d'accroissement des compétences, comme celles dont les
volontaires font montre quand, à leur retour, ils se lancent dans la création
d'activités économiques.
L'accueil de
volontaires étrangers continue cependant à pécher par sa modestie. En 2016,
1367 Français ont effectué un service civique à l'international, pour environ
150 jeunes non ressortissants de l'Union européenne missionnés dans le même cadre
en France. Il est vrai que le montage de tels projets n'est pas simple et prend
du temps, reconnaît Pierre Soëtard. Les associations françaises sont notamment confrontées
à la question des financements complémentaires mobilisables pour assurer l'accompagnement
des jeunes accueillis et couvrir leurs frais de logement. Le coût des loyers étant
particulièrement élevé dans les grandes villes, il y a l'alternative de
l'hébergement chez des particuliers. Cette formule présente également l'avantage
de permettre aux étrangers de se frotter à la vie de famille hexagonale, mais
elle ne s'avère pas toujours appréciée ni des volontaires, ni des logeurs.
En dépit des
difficultés, un nombre croissant d'Etats se disent convaincus que la dimension
internationale du volontariat doit être encouragée pour nourrir des liens de
coopération et de solidarité plus robustes. Une centaine d'acteurs de 22 pays –
représentants d'organisations nationales et internationales de volontariat,
d'associations d'envoi ou d'accueil, d'agences de développement – se sont
retrouvés à Niamey (Niger), fin novembre, pour l'affirmer. "Dans un monde en pleine mutation, où le
vivre ensemble est un défi pour toutes les sociétés, le développement de la
réciprocité des engagements est une nécessité", s'accordent-ils à
déclarer. Cela implique de renforcer et d'élargir les partenariats et, bien sûr
aussi, de mobiliser des investissements à la hauteur de l'enjeu. Pour dépasser
le stade de la simple pétition de principe, un groupe d'une dizaine
d'organisations de 4 continents (Asie, Amérique latine-Caraïbes, Afrique et
Europe) a été constitué. Il tiendra sa première réunion fin février au siège de
France Volontaires, en banlieue parisienne. A suivre, donc.
Caroline Helfter
Pour toute information complémentaire : https://www.france-volontaires.org/-Reciprocite-.html
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