Ce travail que l'intéressée a présenté le
6 décembre, lors de la soirée Paris Je
m'engage organisée par et à la Mairie de Paris, s'appuie sur une
soixantaine d'entretiens auprès d'étudiants engagés dans des structures
associatives (étudiantes ou pas), des syndicats étudiants, des partis politiques,
ou dans le mouvement social Nuit debout, ainsi qu'auprès d'anciens étudiants engagés
afin de savoir comment les mobilisations s'inscrivent dans la durée.
"Faut le vivre,
c'est dingue ! Je n'ai jamais l'impression de travailler, je m'amuse, je joue
un jeu", s'ébahit Anthémios, membre d'une Junior-Entreprise,
association étudiante à vocation économique et pédagogique. Léa, quant à elle, déclare
que son engagement lui a permis d'être "embarquée dans un tourbillon de bonheur". Investie dans une
association consacrée au développement durable, la jeune femme s'est "rendu compte que les gens de l'asso, ce sont
vraiment (ses) amis. Je fais l'asso
encore plus pour les voir que pour faire des projets finalement",
confie-t-elle. Pour Paul, impliqué dans l'organisation d'un festival de musique,
c'est "l'impression d'être utile" qui renforce son plaisir à agir.
"Il n'y a jamais
aucune référence au devoir ou au sacrifice dans le discours des étudiants",
commente Claire Thoury. Quel que soit le projet, l'enjeu de l'épanouissement ne
peut être ignoré ni minimisé. La cause importerait-elle peu, pourvu qu'on ait l'ivresse
? Pas du tout, réagit immédiatement la chercheure, "le projet est fondamental", mais on ne s'engage pas uniquement
pour lui. L'engagement des étudiants témoigne d'une "articulation très subtile entre quête de sens et quête d'épanouissement".
Dans les modèles classiques de militantisme, l'association des
individus qui s'engagent dans une structure fait masse et la masse crédibilise
la cause et le projet. On était sur la figure d'un militant qui adhère à une
grande organisation avec des consignes précises pour défendre les idées que celle-ci
porte. Aujourd'hui, ce sont les engagés qui font la ligne et le jour où elle ne
leur convient plus, ils s'en vont. Pragmatique, l'étudiant engagé n'est plus
prêt à sacrifier son épanouissement au profit d'une cause ou de la structure. Cela
ne retire rien à l'intensité de l'implication, qu'on la mesure au temps passé à
la réalisation d'un projet, aux attentes vis-à-vis de celui-ci, ou à la façon
dont l'engagement se diffuse dans toutes les sphères de la vie des engagés. Par
delà leur diversité, les engagements des étudiants contemporains ont en effet
en commun le fait d'être particulièrement intenses, note la chercheure.
"Outil de
subjectivation, réponse aux épreuves identitaires, expérimentation du
politique, rite initiatique non organisé de passage à l'âge adulte, moyen de
s'émanciper d'un système éducatif rigide", l'engagement occupe une
place centrale dans l'existence des étudiants jusqu'à devenir un élément
constitutif de leur identité, souligne Claire Thoury. Cette expérience
structure durablement la vie des individus. Ainsi, les anciens étudiants
estiment que, s'ils ne s'étaient pas engagés, leur vie présente serait
différente tant au plan privé que professionnel, ainsi qu'en termes de valeurs,
de rapport aux autres et à eux-mêmes.
Caroline Helfter
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