Depuis l'émergence de ce que l'on a appelé "l'esprit du 11 janvier", sorte d' union sacrée autour des "valeurs de la République" (sans doute avec quelques failles apparues au fil des mois !) nous sommes abreuvés de discours, d'articles de journaux et de débats rappelant les principes de la République auxquels on se rattache avec plus ou moins d'opportunisme afin d'alimenter les discours politiques. La "République", ses "valeurs" font les choux gras des leaders politiques qui y puisent toutes les justifications possibles pour appuyer leurs discours. Chacun appelle à un recentrage autour des valeurs de la république, sans vraiment préciser ce qu'il faut entendre, et sans se soucier des contradictions qu'engendre l'affirmation, parfois sans nuances, de principes mal définis, voire ignorés. Par exemple, l'appel permanent au respect de la laïcité, souvent violent, n'entre-t-il pas parfois en conflit avec le principe de fraternité ?
Dans la mouvance de l'esprit du 11 janvier, l'idée de "réserve citoyenne" a été lancée, appelant des citoyens bénévoles à apporter leur concours à la diffusion des valeurs de citoyenneté, notamment auprès des jeunes, par des interventions dans les établissement scolaires (cf la "réserve citoyenne" préconisée par la ministre de l'Education Nationale dont nous avons déjà parlé
L'idée n'est pas nouvelle, et il existe déjà bon nombre de "réserves citoyennes" dans des domaines tels que : sécurité civile, gendarmerie, magistrature, action sanitaire, sapeurs pompiers, armée, police...
Face à ce foisonnement d'idées, de discours, de projets et d'expériences, de quoi parle-t-on ? Ne manque-t-il pas un discours pédagogique qui redéfinisse les principes de base, donne la signification des concepts de république et de citoyenneté et leurs conséquences afin d'expliquer en des termes clairs ce qu'il faut entendre par "réserve citoyenne" et les principes qui la sous-tendent ?
Un rapport sur la "réserve citoyenne"
C'est ce que tente de faire un rapport "Pour que vive la fraternité - propositions pour une réserve citoyenne" remis au président de la république le 8 juillet. Ce rapport a été établi par Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d' Etat, et Claude Onesta, entraîneur de l'équipe de France de handball.
Il préconise une réserve citoyenne ouverte à tous les Français et étrangers détenteurs d’une carte de résident, ayant au moins 18 ans, souhaitant s’investir pour des missions ponctuelles, dans le cadre de projets « labellisés » proposés par des personnes morales de droit public (Etat, collectivités, établissements publics) et personnes morales de droit privé à but non lucratif (associations).
Très succinctement :
Le rapport comporte une partie théorique fort intéressante qui rappelle de manière claire la signification de concepts tels que "pacte républicain", "indivisibilité de la République", "principes républicains" (liberté, égalité, fraternité), et les valeurs qui en découlent (laîcité, liberté d'expression, tolérance...)
Puis il aborde, sous tous ses aspects, ce que pourrait être une "réserve citoyenne" en la distinguant d'autres formes de réserves opérationnelles, en jetant les bases d'une articulation souhaitable avec le bénévolat associatif, en traçant les frontières avec l'emploi public ou privé.
Il définit ensuite le cadre général d'emploi de la réserve citoyenne ( quels porteurs de projets pour accueillir les réservistes ? dans quels secteurs ? sur quel territoire ?), les besoins auxquels pourraient répondre une réserve citoyenne(besoins collectifs non récurrents, partage de valeurs communes, resserrement du lien social auprès des personnes les plus fragiles, protection de la "chose publique", définition du "bien commun"...
Le rapport se termine enfin par des suggestions concernant la gestion déconcentrée d'un vivier des disponibilités et celui d'un vivier de projets labellisés, une animation de proximité dans le cadre du département, et s'interroge sur un éventuel "statut" des réservistes, en insistant sur le fait qu'il s'agit avant tout d'un engagement altruiste.
En conclusion, il faut souligner l'effort fait pour redéfinir des notions largement galvaudées dans l'opinion publique et interprétées au gré des discours politiques. Sur un plan plus concret, tout en abordant toutes des questions qui se posent, il ne s'agit que d'un cadre général, mais qui ouvre la voie vers un travail législatif. Espérons que ce rapport ne finira pas dans les tiroirs de l'Administration, ce qui est à craindre !
Voir le rapport
Louise Forestier